Le 26 février 2022 s’est tenue la seconde édition EAV de la saison, à destination des adultes et les adolescents. Si le sujet est axé sur la protection personnelle (goshinho), nous ne partons pas de rien. Il s’agit plutôt de mettre en perspective les notions et principes étudiés lors des cours traditionnels de budo (taijutsu et buki waza).

Les thèmes proposés concernent :

Nous avons ainsi prévu des situations concrètes afin d’appliquer ce qui a été appris dans l’art classique d’Aiki/Hapki de notre dojo. 

La position de l’esprit

Que ce soit avant ou après une confrontation, ou dans notre vie quotidienne, l’esprit doit être pratiquement le même, calme mais sans relâchement, analytique mais sans surcharge d’informations. 

Masquer ses émotions consiste alors à voir sans regarder, analyser de manière subtile sans attachement aux choses et ce, sans se faire repérer. Notre esprit reste ferme et vertical (shisei). Autrement dit, notre corps ne doit pas être agité, notre regard ne doit pas trahir nos émotions, notre voix ne doit pas être trop aiguë ni trop basse.

Tous ces détails donnent des informations à l’adversaire. Ces dispositions ont pour objectif de nous permettre d’échapper à son ascendant, le laissant face à un mur difficile à franchir. 

Dans le Zen, on appelle cela l’esprit inamovible « fudoshin » ou encore « mushin ».

La position du corps

Les tics nerveux, frottements de la nuque ou des oreilles, se gratter le crâne ainsi que baisser le regard ou au contraire, s’attacher aux yeux sont à proscrire. Nous devons conserver une vision d’ensemble, éviter l’effet tunnel ; voir sans regarder, répétons-le. 

Les sourcils légèrement froncés, le port de tête droit sans rigidité et/ou exagération, et un solide ancrage au sol (qualité des appuis) sont des points à travailler.

Adopter ensuite une respiration ventrale pour réduire les tensions, c’est à dire sans forcer sur l’amplitude des inspirations et expirations. 

Les épaules sont relâchées mais disponibles ; les mains en garde cachée et non agressives.

Savoir détecter les avantages et les inconvénients en toute chose.

La thématique des armes improvisées (par destination) nous a donné l’occasion de mettre en pratique ce principe de balance. 

En effet, les objets du quotidien peuvent tout à fait être détourner de leur utilisation première afin de nous défendre. Pour ce faire, nous nous sommes attachés à trois objets : la ceinture de pantalon, un livre et un tesson de bouteille.

Tout d’abord il convient de considérer que tout objet (inanimé) quel qu’il soit, reste un objet. Autrement dit, un couteau ou un paquet de lingette pour bébé par exemple, n’est ni bon ni mauvais en soi. 

Aussi s’il est utilisé comme arme par destination, il ne sera ni dangereux, ni inoffensif mais bien le prolongement de notre bras et donc de notre esprit. Il faudra de fait, lors de l’utilisation d’une arme improvisée, mettre toute notre détermination, sans s’agiter pour l’utiliser à bon escient.

Après cette mise au point nécessaire, nous avons donc mis en pratique et déterminer les avantages et inconvénients de chaque chose. 

Quelques corrections sont données en fonction du physique et des acquis de chacun et nous reprenons la pratique avec des participants motivés et très studieux, tout en étant attentifs à ne pas blesser les partenaires.

Maîtriser l’espace et le temps.

Ces deux notions demeurent primordiales dans l’art du combat, mais elle demeurent relatives. Dans le budo, l’espace temps est regroupé dans le concept de « maai » simplement traduit par intervalle.

En effet l’espace physique est apprécié selon chacun, et 1 mm peut être négligeable dans certains cas alors que dans d’autres, il déterminera la frontière entre la vie et la mort.

Le temps quant à lui est une notion abstraite. L’instant présent (ou le « moment présent ») est un concept ancien en rapport avec la philosophie de l’espace et du temps (wiki). 

Il s’agit donc pour nos participants de se situer dans un système, un faisant partie d’un tout et tout étant un. 

Toute chose possède un rythme défini dans l’espace temps. Il convient donc lors d’une confrontation de comprendre ce rythme afin de mieux imposer le sien. Se mettre en harmonie (awase) avec son environnement, son adversaire et le système dans lequel nous évoluons est primordial si on souhaite pacifier une situation. 

Car dans la protection personnelle il s’agit bien de pacifier et non de vaincre, casser le rythme de l’adversaire et le déséquilibrer afin de lui imposer le nôtre. 

Là encore les exercices autour des armes improvisées ont permis aux participants de toucher du doigt ces notions afin d’amener une réflexion plus large sur leur quotidien et le sens de leur pratique budo. 

La gestion de la distance ainsi que du temps, agir pendant mais ni après ni avant (moment présent, « ici et maintenant »), ont pu être mis en exergue. 

S’ajoute à cet ensemble, le repli stratégique qui demande une analyse rapide de son environnement (zanshin, analyse-scanning) et l’utilisation de l’espace à son avantage. C’est encore une fois s’inscrire dans un tout et l’utiliser à bon escient. 

Nos participants, et notamment les plus jeunes, se sont révélés curieux et volontaires donnant leur avis et cherchant les parallèles à leur pratique Aïki.

Savoir où l’on va pour mieux savoir ce que l’on fait.

Prenons n’importe qui et disons lui de courir sans autres informations, et nous verrions vite le découragement voire la circonspection pointé dans son regard. Donnons lui une valeur de temps et/ou de distance et nous le verrions rapidement faire ses calculs mentaux afin de mesurer tout ce que cela implique. 

Dans notre Dojo, nous prenons le temps pour expliquer à nos pratiquants, la valeur d’un exercice. Est-il pédagogique ou a-t’il des finalités pratiques ? Pourquoi une attaque est-elle faite en saisissant la main? 

Dès les plus jeunes âges, ils sont habitués à savoir où ils vont et développer leur curiosité. Le «fais et tu comprendras plus tard» n’est pas la voie privilégiée  au sein de notre dojo.

En protection personnelle, les conséquences de nos actes se feront rapidement ressentir que ce soit en termes physiologiques, psychologiques ou judiciaires. C’est pourquoi nous nous sommes attardés de voir ensemble les notions de victime primaire et secondaire issues de notre étude de la science de la Victimologie. 

Nous avons en premier lieu abordé les manifestations physiques de la post-agression telles que les éruptions cutanées ou la  perte d’appétit. 

Bien évidemment nous n’avons pas évité les conséquences psychologiques comme par exemple, la peur, la paranoïa, la colère et la recherche de vengeance.

Enfin nous nous sommes penchés sur l’aspect judiciaire au travers de l’article 122-5 du code pénal définissant la légitime défense. 

Nous avons été agréablement surpris de l’intérêt que les participants ont porté à cette thématique. En effet, les plus jeunes notamment se sont révélés très attentifs et beaucoup de questions ont permis de rebondir sur un certain nombre de questions philosophiques et concrètes.

Savoir s’adapter à la situation.

Dans notre quotidien, nous sommes en permanence dans l’obligation de nous adapter à la situation. Autrement dit, dans une situation donnée, un aspect manquant ou supplémentaire peut en effet entraver de manières diverses nos plans initiaux. 

Suivant la disposition d’esprit, certaines personnes peuvent mal vivre les contraintes, se mettant dans des états de stress, de colère, d’agacement ou d’énervement même si de l’extérieur, ces contraintes apparaissent anodines et surmontables.

Dans un combat de survie, la résilience est tout autre car elle implique des notions de vie ou de mort.

En effet, nous serons alors dans l’obligation de faire abstraction des valeurs morales ou des conventions sociales. 

«Redevenir un animal sauvage» implique une volonté forte, farouche et une adaptabilité sans faille, car il faudra être sauvage quand il le faut, mais redevenir sociable lorsqu’il le faudra, afin de répondre au notion de légitime défense. 

La Motricité adoptée devra être lourde car le stress et l’adrénaline ne permettent pas de gestes fins, demandant aussi l’explosivité dans un laps de temps souvent très court.

Là encore les participants se sont montrés attentifs et impliqués comme en témoigne le  tour de table où chacun a pu s’exprimer, donnant sa vision des choses, en le corrélant avec sa propre représentation morale et civique.

Le retour su soi

Les arts martiaux japonais (budo) possède une profonde dimension interne qu’il ne faut surtout pas mettre en opposition à la dimension dite externe. Comme le yin et le yang, elle sont complémentaires, apportant l’équilibre à l’ensemble. 

C’est pourquoi l’association Gushen tient à ce que les participants puissent avant de quitter la session, «apaiser le cœur et l’esprit » afin de rentrer chez eux débarrassés de toute perturbation qui pourraient nuire à leur équilibre.

Prendre le temps de se calmer, de revenir à soi représente la base de cette équilibre. 

Des gestes et postures issus de l’art du shiatsu, accessibles à tous, sont proposés au binômes formés. En effet, l’intention forme la base de tout, l’envie de calmer et de faire du bien.

Nous avons très peu abordé les gestes techniques et opérationnels d’amener au sol, de frappes ou encore de rétention. Dans notre logique, les aspects purement techniques ne sont pas une fin en soi mais seulement l’aboutissement d’une pensée, d’une volonté et d’un état d’esprit ; le geste s’inscrit comme le prolongement de l’être. 

Certes le chemin se montrent plutôt ardu, mais cela permet à chacun de s’approprier l’idée que l’esprit dirige et que le corps suit, alimentant par palier une voie de vie.

La voie classique du budo n’est pas incompatible avec une approche plus moderne de la protection personnelle. Il s’agit simplement de savoir ce que l’on veut transmettre et la pédagogie mise en œuvre reste le prolongement de notre intention,

Merci à tous les participants qui, encore une fois, se sont montrés courageux et volontaires.