La pratique en extérieur s’appelle en japonais Yagai geiko (野外稽古).
Pour l’association GuShen, les stages outdoor représentent un aspect essentiel de la pratique des arts martiaux tels que le GuShen Budo ®. Dans ce dernier référentiel, Yagai geiko s’inscrit donc dans le concept de « Outdoor Dojo », par extension au Dojo traditionnel.
Pratique en dojo et à l’extérieur
Maitre Tamura écrivait à propos du Yagai geiko :
» L’entraînement au dojo se fait en imaginant une situation réelle mais le dojo a ses limites.
Il est donc utile de sortir de ce cadre pour pratiquer à l’extérieur et habituer l’œil, les pieds, les mains et le corps à un espace différent. Il est sans doute superflu de préciser que la nature, au contraire des tatamis ; présente des irrégularités. Il y a de nombreux creux et bosses, certains sols glissent plus que d’autres comme la boue ou la glace, (…)
Il faudra donc s’attacher à adapter sa marche en faisant des petit pas et en glissant les pieds avec légèreté. (…)Pour ne prendre que l’exemple des ukemi, il faut réfléchir et expérimenter pour les adapter au travail à l’extérieur.(…)
(…) Si l’on dispose du temps et de l’espace nécessaire, il est souhaitable de s’entrainer dans la nature où, à la différence du dojo, au milieu d’un espace libre, on respire un air pur et frais dans la lumière du soleil. Un tel exercice est agréable et bon pour le corps. On s’imprègne alors du ki du ciel et de la terre ce qui permet une pratique ample et détendue. (…)
on peut aussi y pratiquer les kumitachi plus librement qu’à l’intérieur d’un dojo. Il existe aussi un entraînement de nuit, dans la nature à la pleine comme à la nouvelle lune. »
Le dojo est une salle aménagée et consacrée en particulier à la pratique des arts martiaux traditionnels. Il dispose actuellement du confort moderne. L’éclairage, le chauffage et la surface plane du lieu offrent un cadre de pratique sans réelles contraintes. Aussi, afin d’éviter les dérives d’une pratique exclusive en intérieur, l’association GuShen organise régulièrement des sessions outdoor.
Le Yagai geiko se construit différemment, loin des clichés « new age » d’harmonie avec la nature. En effet, les configurations des lieux et des saisons sont d’autant d’aspects plus ou moins contraignants à considérer. Les lieux de pratique sont souvent des espaces naturels tels que bois, forêt, prairie, bord de mer, etc…
Le Outdoor Dojo forge l’idée que la pratique s’étend partout et qu’il convient de s’adapter au milieu et remettre en question ses propres connaissances.
Considérations générales sur les pré-requis du Yagai geiko
Souvent le Yagai geiko ne dure pas plus d’une journée; certains se limitent à la demi-journée. L’association GuShen développe une pratique extérieure sur 48h ou 72h. Dans ce contexte, la prise en compte des pré-requis s’avère nécessaire.
Température et régulation
Lorsqu’on évolue en extérieur la régulation thermique doit être prise en compte. S’il est facile de s’habiller légèrement en été, il est moins évident de conserver uniquement une tenue d’entrainement classique de dojo (keikogi) quand le temps est froid et/ou pluvieux. Il est alors nécessaire d’adapter sa tenue en fonction des circonstances. La transpiration quant à elle, doit pouvoir être évacuée au risque d’un refroidissement. Enfin, il est souvent nécessaire de se couvrir la tête et le cas échéant le cou.
Besoin en eau
L’eau constitue le second facteur important. S’hydrater correctement est en effet nécessaire pour maintenir les fonctions physiologiques. Lorsqu’on pratique intensément, l’eau de boisson représente 1,5 à 2 litre/jour. Dans la nature, lorsqu’il n’y a pas de sources d’eau vive à proximité, il convient d’emporter de l’eau en quantité suffisante et rationnaliser son emploi au cours du temps. Même lorsqu’il est possible de puiser ou récupérer de l’eau sur le terrain, un traitement biologique et physico-chimique reste nécessaire. La présence ou le soupçon de pesticides (zone agricole, ruissellement…) et/ou de métaux lourds rend même nécessaire l’utilisation de filtres industriels.
Besoin en nourriture
La question de la nourriture peut être modulée en fonction de l’objectif du stage oudoor. Si l’on souhaite jeûner, la quantité de nourriture sera d’autant plus réduite. Mais elle ne constitue pas véritablement un critère de première nécessité car le corps engrange naturellement des réserves sous forme de glycogène et de graisse. Cependant, lorsque le jeûne est appliqué, la pratique devra être progressive et adaptée pour prévenir tout malaise.
Matériel
Du fait de la diversité des terrains, les zoori, les sandales sont vivement déconseillés. La marche nécessite des chaussures tout terrain, maintenant bien les pieds et plus ou moins les chevilles. Il est souhaitable de conserver un pantalon solide résistant à l’abrasion mais suffisamment souple pour conserver une amplitude des mouvements. Le couteau (un vrai!) sera le compagnon de toutes les occasions. Pour le bivouac, des éléments complémentaires sont à considérer (abri, feu…).
GuShen conserve néanmoins la veste du keikogi afin de protéger les vêtements civils contre les saisies et l’abrasion au contact du sol.
Bien que le Yagai geiko ne soit pas une pratique de survie, on peut approfondir sa réflexion autour de l’autonomie en situation par la « Règle des 3 » de Ron Hood par exemple.
L’organisation d’une session outdoor sur quelques jours invite enfin le pratiquant à réfléchir sur ce qui est essentiel et secondaire et à adapter en conséquence sa tenue, ses besoins et son équipement.
Pratique du Yagai geiko
Le Outdoor Dojo est un espace privilégié pour appréhender des exercices variés, fonction de la configuration du terrain, de la saison et de la luminosité.
Il est possible de dégager les grandes lignes :
- Taiso comprenant des mouvements de gymnastique appliquée (Aiki Systema) mais aussi des formes de Qigong, le shiatsu et la méditation en quiétude (Ki respiration, Ki méditation) ;
- Suburi, mouvements de base aux armes traditionnelles mais aussi Tanren uchi, exercices de frappes sur supports tels que les troncs d’arbres ;
- Travail à 2 avec ou sans armes, sur des thématiques variées, avec des niveaux d’intensité variables comme les uchi komi (répétitions jusqu’à épuisement) ;
- Travail de nuit ;
- Situations particulières comme les exercices au sol, celles avec plusieurs partenaires.
Il convient de travailler de manière équilibrée en associant les pratiques douces (internes) et celles exigeant plus de vigueur (externes). Le travail sur le Ki, essentiel en Aikido, est particulièrement valorisé par la pratique de la méditation et respiration assises ainsi que l’apport du qigong et du shiatsu.
Les pratiques outdoor favorisent véritablement l’adaptation, l’économie de ressources et le ressenti. La prise en compte de la fatigue de fond s’avère également essentielle dans ces conditions, car elle affecte concentration, perception et vigilance.
Lorsque Yagai geiko se déroule sur quelques jours, un campement est établi sur le lieu même des pratiques quotidiennes en veillant bien à respecter l’environnement naturel, notamment en termes de sécurité, d’hygiène et de déchets.
Les feux de camp restent pour chacun des participants, des moments privilégiés d’échanges et de méditation, renforçant naturellement la cohésion du groupe.
Le Outdoor Dojo se présente finalement comme un continuum de pratiques intensives et de vie quotidienne sur le camp; si bien que le rapport à l’étiquette et à l’habillement s’en trouvent également modifié.
Enfin, la focalisation sur la technique si souvent mis en avant dans le dojo, ne saurait à elle seule, récapituler la densité réelle du Yagai geiko.